Se poser
Méditer, quel que soit le style de méditation et la conception que l’on a de la méditation, comporte un prérequis : être apte à “se poser“. Quoi de plus simple en apparence, juste se poser, rien de plus. La difficulté réside dans ce rien de plus.
S’asseoir, de préférence mais pas obligatoirement au sol, sur un tapis ou un coussin, jambes croisées. Et ne rien faire, ou je préfère dire ne pas faire. Ne rien faire évoque l’idée de faire quelque chose, qui est rien, ou tout au moins l’idée d’un renoncement ; ne pas faire implique une attitude foncièrement différente, il n’est plus question de renoncement mais d’abandon, dans le sens de s’abandonner, de déposer les armes. Autrement dit cesser de lutter.
De façon pratique, il ne s’agit pas de faire le vide : faire le vide c’est encore faire quelque chose. Il ne s’agit pas d’atteindre un objectif : tout but, tout objectif engendre une tension, une obligation de résultat. On n’est même pas tenu d’observer ses pensées, ses sensations : ce serait encore faire quelque chose. Nous sommes tentés maintenant de poser la question : mais alors que faire ?
La réponse vous la connaissez : justement, ne pas faire. Cette réponse comporte un changement de paradigme, une transformation psychologique, car nous sommes habitués, très profondément conditionnés à faire, et plus encore nous sommes enfermés dans cette dualité : agir, et agir comporte l’idée de lutter, ou bien capituler. Il est une autre voie qui nous permet de sortir de ce cercle, déposer les armes : ni lutte ni capitulation.
Dès lors voici que nous laissons être ce qui est. Rien de plus. Dans cette attitude, cette présence à soi-même, il n’y a rien à réussir… et rien à rater, il y a que ce qui est. C’est cela la simplicité, elle nous permet de déposer le fardeau que nous portons continuellement, celui de nos préoccupations, de nos soucis, de l’image de soi. Alors quel sentiment, quelle sensation de liberté ! et dans cette simplicité il y a la perception d’une présence, de l’Autre Chose, selon l’expression de Krishnamurti. Cette Autre Chose, cet arrière-plan, cette présence, le Shivaïsme du Cachemire lui donne un nom : la conscience (chit en sanscrit), qui est Śiva.
A première vue ceci peut nous paraître hors d’atteinte, c’est seulement que ce n’est pas habituel, notre conditionnement tend constamment vers la lutte et l’affirmation de soi. Il n’est que de s’asseoir tranquillement et pour le reste de ne pas en faire une histoire ; des pensées, des sensations, des images défilent sur l’écran. Ce n’est pas un problème, c’est ainsi. Rien ne se passe ce n’est pas un problème, c’est ainsi. Vous n’êtes pas à la recherche d’expérience, donc tout ce qui est, ici et maintenant, est bien.
Des tensions corporelles émergent, vous vous posez dans ces tensions, voici qu’elles changent de nature. De toute façon vous n’êtes pas tenu-e à l’immobilité, vous ajustez votre posture. Naturellement la pratique régulière des asanas du Hatha Yoga vous permettra d’être plus à l’aise dans votre assise, et surtout la conscience du souffle et la détente du diaphragme, fondamentales dans une pratique corporelle cohérente, apporteront de la fluidité dans votre posture externe (physique) et surtout dans votre “posture interne“, qui conditionne en grande partie la précédente.
Se poser cela est très simple, peut-être trop simple, pourtant à la portée de chacun-e ; se poser c’est totalement gratuit car exempt de toute intention, de toute attente, de tout profit. C’est le prérequis à la méditation et en même temps cela en constitue l’achèvement. “Le premier pas est le dernier pas“ enseignait Krishnamurti. Entre les deux qu’allons-nous rencontrer ? ce sera l’objet des cours suivants.
La pratique
Prenez au moins 5 minutes, 15 minutes dans l’idéal, cela suffit. Asseyez-vous :
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sur une chaise ou un tabouret ; assis au bord, les pieds bien à plat sur le sol, les mains posées sur les genoux. La tête est droite.
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ou bien au sol sur un coussin ferme, les jambes croisées et le dos droit ; la posture doit être confortable, il ne s’agit pas de faire des exploits ; je précise au passage que Padmasana, la posture du lotus, n’est pas une posture de méditation, elle est traditionnellement dévolue au pranayama (les techniques yogiques de respiration dont le but est le maintien de rétentions prolongées du souffle). Les mains sont posées sur les genoux ou reposent sur les chevilles, la nuque est droite sans raideur.
Ce qui suit n’est pas à prendre comme une méthode. Donnez votre attention à la sensation de contact des pieds avec le sol, que ce soit quelques secondes ou quelques minutes importe peu, juste ressentir, percevoir, sans discours intérieur. Probablement des pensées, des images vont surgir dans votre mental, c’est loin d’être un échec ; ne les rejetez pas, ne les retenez pas… et ne cherchez pas à les observer, cela constituerait une autre forme de méditation, que nous aborderons plus tard. Vous ne cherchez pas non plus à faire le vide, seulement être présent-e à ce qui est, ici et maintenant. Rappelez-vous : ne pas faire, ne pas lutter.
Puis vous donnez votre attention à la sensation de contact des mains avec les cuisses ou les genoux, ou les chevilles, dans la même attitude intérieure que précédemment.
Ensuite votre attention est donnée à votre respiration, sans chercher à la modifier : toujours ce qui est, tel que c’est.
Enfin, vous mettez votre attention dans la perception de votre ambiance interne : vous sentez-vous calme, agité, heureux etc ? Toujours ressentir sans mettre de mots sur ce qui est ressenti.
Prenez un instant avant de vous lever et reprenez vos activités quotidiennes sans vous laisser absorber par elles, ou bien si c’est le soir, vous pourrez vous endormir tranquillement, votre sommeil sera probablement plus serein et plus régénérant.